Alice Kessler

Biographie

Alice Kessler est née le 20 août 1936 à Nerchau, en Saxe, en Allemagne, sous le nom de Alice Kässler. Elle vient au monde avec sa sœur jumelle, Ellen, trente minutes après elle ; dès le début, leur vie est intimement liée. Leurs parents, Paul Kässler, ingénieur en mécanique, et Elsa, les encouragent très tôt à suivre des cours de danse et de musique. Très jeunes, Alice et Ellen apprennent l’accordéon, le chant et la danse classique ; à six ans, leur père les inscrit dans une école de ballet, déterminé à leur inculquer discipline et grâce. Quand elles ont onze ans, elles intègrent le corps de ballet pour enfants de l’Opéra de Leipzig.

L’enfance des jumelles n’est pas exempte de difficultés. Leur père, alcoolique et parfois violent, exerce une pression constante : il les forme, les coache, les force à donner des représentations même en famille. Les relations dans le foyer sont tendues, marquées par l’ombre d’un autoritarisme paternel. Malgré tout, Alice développe une détermination remarquable : elle apprend non seulement la danse, mais aussi l’acrobatie, le chant et le jeu, sous l’œil vigilant de ses parents.

En 1950, les jumelles passent avec succès l’examen d’entrée de l’école de danse attenante à l’Opéra de Leipzig, un moment clé qui confirme leur vocation artistique. Deux ans plus tard, à seize ans, Alice et Ellen quittent l’Allemagne de l’Est. La famille profite d’un visa de visiteur pour passer à l’Ouest, et y reste, entamant un nouveau chapitre de vie à Düsseldorf. À Düsseldorf, les deux jeunes femmes sont engagées au théâtre de variétés Palladium, où elles montrent leurs talents de danseuses et de chanteuses.

Leur coup de chance arrive en 1955 : le directeur du célèbre cabaret Le Lido à Paris remarque Alice et Ellen et les invite à rejoindre les Bluebell Girls, une troupe de danse sur les Champs‑Élysées. Ce passage à Paris les propulse sur la scène internationale : leur silhouette élancée, leurs jambes parfaites, leur synchronisation parfaite, tout contribue à forger leur image de duo glamour.

Au fil des années, Alice se révèle non seulement comme une danseuse, mais aussi comme une chanteuse et actrice : avec sa sœur, elles enregistrent des disques dans plusieurs langues et apparaissent dans des films. En 1959, les jumelles représentent l’Allemagne au Concours Eurovision de la chanson avec le titre « Heute Abend woll’n wir tanzen geh’n », terminant à la huitième place.

Dans les années 1960, Alice déménage avec Ellen en Italie, où le duo acquiert un statut d’icône. Elles participent à des émissions de télévision italiennes très populaires, dont leur morceau « Da‑da‑un‑pa » devient le thème. Leur grâce, leur élégance et leur synchronisation sur scène séduisent le public italien : elles incarnent un rêve de féminité, de précision et de glamour, tout en maintenant une discipline rigoureuse dans leur art.

Leur influence ne se limite pas à l’Europe : Alice et Ellen apparaissent sur des émissions de variétés aux États-Unis et posent en couverture de magazines prestigieux. Elles travaillent aussi avec des stars internationales comme Fred Astaire, Frank Sinatra et Harry Belafonte, ce qui contribue à asseoir leur renommée mondiale.

Malgré leur succès aux États-Unis, Alice et Ellen font des choix mesurés : en 1964, elles refusent un rôle dans un film aux côtés d’Elvis Presley, ne souhaitant pas être cantonnées aux comédies musicales hollywoodiennes. Elles restent fidèles à leur vision : leur art doit refléter à la fois légèreté, sophistication et discipline, plutôt qu’une image superficielle hollywoodienne.

Dans leur vie privée, Alice entretient une relation avec le chanteur français Marcel Amont pendant plusieurs années, de 1961 à 1968. Elle ne se marie jamais, préférant sa liberté et la relation très forte qu’elle partage avec sa sœur. Cette connexion fraternelle est au cœur de son existence : elles vivent ensemble, travaillent ensemble, et construisent leur vie côte à côte.

Dans les années 1970, Alice et Ellen continuent d’explorer des formes artistiques variées : elles apparaissent dans des films, mais aussi dans des spectacles de cabaret et des comédies musicales, gardant intact leur charme et leur synergie scénique. À quarante ans, elles posent ensemble pour un magazine, un geste audacieux à leur image, qui symbolise la confiance en leur corps et en leur aura artistique.

Avec le temps, Alice ne ralentit jamais vraiment : même après plusieurs décennies de carrière, elle continue à se produire, à danser, à chanter. Dans les années 1980, les jumelles retournent vivre en Allemagne et s’installent à Grünwald, près de Munich, dans une maison qu’elles partagent — leurs appartements étant reliés par une simple porte coulissante. Cette proximité symbolise encore leur vie en miroir : même à un âge avancé, elles sont inséparables.

Alice reçoit des récompenses au fil de sa carrière, tout comme sa sœur : le duo Kessler est honoré pour leur contribution à la coopération culturelle germano-italienne. Elles restent très actives sur scène, participant à des comédies musicales jusqu’à leurs quatre-vingts ans et plus. Leur rigueur, leur modestie et leur humilité sont souvent citées comme les clefs de leur longévité artistique : selon elles, le secret de leur succès réside dans la discipline quotidienne, la gratitude renouvelée, l’humilité et — surtout — le fait de rester ensemble.

En 1996, Alice et Ellen publient leur autobiographie sous le titre « Eins und eins ist eins » (“Un plus un, c’est un”), une formule qui résume parfaitement leur vision de leur vie partagée : elles étaient deux, mais leur force et leur identité étaient unifiées.

Les dernières années d’Alice sont marquées par cette même cohésion : elle vit encore aux côtés de sa sœur, partageant les joies, les souvenirs, les projets et les rêves. En avril 2024, les jumelles déclarent qu’elles souhaitent être enterrées dans la même urne, aux côtés de leur mère et de leur chien, dans une dernière formalité de leur union.

Alice Kessler est morte le lundi 17 novembre 2025, à l'âge de 89 ans, suicidé avec sa soeur Ellen, à Grünwald (Allemagne, en Bavière). Sa sœur, Ellen, part avec elle dans un geste puissant : les deux choisissent l’euthanasie assistée, désirant quitter ce monde ensemble. La police de Munich confirme qu’il s’agit d’un suicide conjoint, et souligne que leur décision était mûrement réfléchie. Dans leur testament, elles avaient précisé leur volonté d’être incinérées ensemble, leur lien éternel se prolongeant même après la mort. Alice Kessler laisse derrière elle un héritage hors du commun : celle d’une artiste complète — danseuse, chanteuse, actrice — qui, avec sa sœur, a redéfini les standards du spectacle dans l’Europe d’après-guerre. Elle a inspiré des générations par sa grâce, sa discipline et son choix de vie partagé. Sa vie est un hommage à la force du duo : un être composé de deux moitiés, toujours synchronisées, non seulement sur scène, mais aussi dans le cœur des spectateurs et dans la mémoire collective.

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